Projet ACTIVE-AURORA : transformer les transports au Canada
L'ÉVOLUTION DE LA MOBILITÉ
Imaginez le scénario suivant : vous conduisez, un matin, en route vers votre lieu de travail. Votre véhicule vous parle, vous informant de l’environnement routier : piétons à proximité, courbes prononcées, zones à risque élevé de collision, limites de vitesse, distances sécuritaires d’un autre véhicule, conditions routières…
Les systèmes collaboratifs de transport représentent la prochaine étape de la transformation des transports. En fait, les véhicules d’aujourd’hui sont déjà des appareils connectés. Bientôt, ils pourront interagir ou communiquer directement entre eux, avec l’infrastructure routière et avec nous. Le banc d’essai ACTIVE-AURORA pour véhicules connectés est au cœur de cette nouvelle réalité.
TRAVAILLER ENSEMBLE VERS UN BUT COMMUN
En 2014, le gouvernement du Canada, le gouvernement de l’Alberta (Alberta Transportation), la Ville d’Edmonton, le Centre for Smart Transportation (CST ou Centre de transport intelligent) de l’Université de l’Alberta et l’Université de la Colombie-Britannique ont formé un partenariat avec l’idée commune de créer un réseau de transport plus sécuritaire et efficace. Convaincus que la technologie a le pouvoir de transformer la manière dont nous nous déplaçons, ils ont entamé le projet ACTIVE-AURORA.
Étant le plus grand banc d’essai de technologie de véhicules connectés au Canada, ACTIVE signifie Alberta Cooperative Transportation Infrastructure and Vehicular Environment (Environnement véhiculaire et infrastructure de transport collaboratifs de l’Alberta) et AURORA signifie Automotive test bed for Reconfigurable and Optimized Radio Access (Banc d’essai automobile pour accès radio reconfigurable et optimisé). La composante ACTIVE est basée à Edmonton, en Alberta, tandis que la composante AURORA est située à Vancouver, en Colombie-Britannique. Le projet ACTIVE-AURORA comprend quatre bancs d’essai et deux laboratoires. Le banc d’essai AURORA est consacré au développement, à l’essai, à la démonstration et à la commercialisation d’innovations à Vancouver, mettant l’accent sur les communications sans fil pour améliorer la sécurité et l’efficacité du transport de marchandises.
Les trois bancs d’essai ACTIVE sont situés à Edmonton, sur Whitemud Drive, sur la 23e Avenue et sur Anthony Henday Drive. On y évalue la technologie des véhicules connectés (VC) pour déterminer comment elle pourrait être appliquée à des routes achalandées, afin d’en améliorer la sécurité et la mobilité, d’en diminuer la congestion et d’en rehausser leur capacité. Les tests ont été divisés en phases : améliorer la sécurité, analyser le comportement des conducteurs et réduire la congestion.
La suite de cet article décrit le progrès réalisé à Edmonton, en Alberta, grâce à une solide collaboration entre les universités, le gouvernement et l’industrie.
BÂTIR UNE SOLIDE FONDATION
En raison de son climat hivernal particulièrement extrême, Edmonton est l’endroit idéal pour tester cette technologie. Ainsi, les chercheurs, l’industrie et les participants gouvernementaux ont l’occasion de déterminer comment la technologie fonctionne, non seulement en situation de circulation mixte sur les autoroutes et les artères urbaines, mais aussi dans différentes conditions climatiques.
Grâce à la diversité de la circulation (transport de marchandises, transport actif et transport en commun), le banc d’essai ACTIVE peut maintenant tester comment les VC et leurs technologies, les applications et les services aux usagers interagissent avec différents moyens de transport. À cette étape-ci, plus les informations sont nombreuses, mieux c’est.
Créer des liens
La communication est la première étape de mise en œuvre d’un corridor connecté. Les trois corridors à Edmonton – une artère et une rue urbaine ainsi qu’une autoroute en milieu rural – ont été munis de 42 unités d’équipements de télécommunications en bordure de chaussée (ou RoadSide Units – RSU). Ces équipements ont été conçus pour fonctionner avec un protocole de communication propre à courte portée (ou Dedicated Short Range Communication – DSRC) et la norme de communication LTE. Cela signifie que les unités pourront communiquer, sans fil et en temps réel, avec les véhicules munis de dispositifs embarqués (ou On-Board Units – OBU) ou d’un cellulaire. L’information recueillie, entre autres l’emplacement et la vitesse du véhicule, est ensuite transmise en temps réel au Centre de gestion de la circulation d’Edmonton.
Ce parc de véhicules connectés, les RSU installés et le centre de gestion de la circulation sont la base pour des essais futurs plus poussés sur la technologie des VC. De plus, notons qu’ensemble, ils forment le premier réseau DSRC opérationnel au Canada. Par exemple, la Ville d’Edmonton, l’un des partenaires du projet ACTIVE-AURORA, envisage l’incorporation d’OBU dans les chasse-neiges, les véhicules d’urgence, d’entretien et de transport en commun pour tester la technologie VC déjà installée le long des routes. Le projet attire aussi des fabricants automobiles et d’autres partenaires industriels de la région. En tant qu’installation d’essais à données ouvertes, les possibilités de collaboration et d’apprentissage sont infinies.
À l’avenir, lorsque plus de véhicules seront munis de ces dispositifs, la Ville pourra dresser un portrait plus représentatif de l’état de congestion du réseau routier. L’information recueillie permettra aux ingénieurs de la circulation de mieux gérer la circulation et, éventuellement, lorsque les véhicules deviendront autonomes, ils pourront les rediriger pour éviter une zone de congestion causée par un accident ou pour prioriser le passage des véhicules d’urgence. Ce système, qui peut fonctionner en parallèle avec des véhicules autonomes, représente une importante avancée en matière d’amélioration de la sécurité, de réduction de la congestion routière et de diminution des émissions de GES.
Recueillir des données et faire participer le public
L’équipe de projet utilise trois corridors d’essai à Edmonton en plus du laboratoire de l’Université de l’Alberta, où les paramètres peuvent être personnalisés afin de simuler différentes situations auxquelles les usagers font face lors de leurs déplacements quotidiens. Pour bien modéliser ces situations, l’équipe doit disposer de données fiables. Pour ce faire, il a donc fallu établir un partenariat avec des entreprises de télécommunications. L’équipe de l’Université de l’Alberta a conçu une application pour téléphone intelligent qui a d’abord été offerte aux étudiants et ensuite aux résidents d’Edmonton. Des centaines d’étudiants ont téléchargé l’application; ils voulaient participer à ce projet novateur, d’envergure et tourné vers l’avenir. Il en était de même pour les citoyens; les téléchargements de l’application ont augmenté exponentiellement lorsque l’invitation leur a été lancée.
En collaboration avec les entreprises de télécommunications, l’équipe a recueilli l’information nécessaire pour déterminer l’itinéraire et la destination de nombreux déplacements quotidiens. Cette information a permis d’avoir une connaissance plus fine de la congestion sur le réseau. Les usagers, quant à eux, ont reçu des informations telles que la localisation des incidents causant de la congestion, la réduction de la vitesse dans les zones scolaires et dans les zones de construction ainsi que la localisation des zones à risque élevé de collision.
EN ROUTE VERS UN OBJECTIF ZÉRO ACCIDENT
En plus des équipements DSRC en bordure de chaussée et embarqués qui ont été installés dans le cadre de ce projet, l’équipe a développé un projet pilote axé sur la sécurité piétonnière. Cette initiative s’inscrit bien dans la vision de la Ville d’Edmonton d’être une ville saine, où l’on encourage l’utilisation du transport actif et où l’on vise un objectif zéro en matière de collisions impliquant des véhicules et des piétons.
L’équipe a donc tiré profit de la technologie des VC pour réduire le nombre de collisions avec des piétons aux intersections avec feux de circulation. Une équipe d’étudiants au postdoctorat a mis sur pied un projet pour tester les interactions homme-machine de la technologie des VC. Prenons l’exemple d’un véhicule autonome : il analyse son environnement avec un laser et s’arrête lorsqu’il détecte un objet, un véhicule ou un piéton dans sa trajectoire ou en direction de cette dernière. Mais qu’arrive-t-il si ce piéton qui était caché derrière un bâtiment ou un autobus se retrouve soudainement devant le véhicule ? En combinant les technologies des véhicules autonomes et connectés, cette situation devient plus simple à résoudre. L’équipe a donc muni un véhicule non autonome d’un OBU et remis un dispositif portable de communication DSRC à un piéton. L’OBU a détecté le dispositif du piéton même lorsque celui-ci se trouvait caché par le véhicule (non visible par le laser dans le cas futur d’un véhicule autonome) derrière le coin d’un bâtiment ou d’un autobus. Lorsque le piéton s’est mis à marcher pour s’engager dans l’intersection, l’OBU a reçu un signal et, grâce à ce dernier, le conducteur a été averti de la présence du piéton sans même l’avoir vu. L’application future avec le véhicule autonome permettra de pallier le manque de visibilité de son laser et de ralentir ou de s’arrêter pour éviter la collision en pareille situation.
Les résultats de ce projet ont mené au développement d’une validation de principe pour la notification de détection de piétons sur les véhicules connectés utilisant le protocole DSRC.
LES PROCHAINES ÉTAPES
La force motrice du banc d’essai ACTIVE-AURORA est l’utilisation de technologies novatrices dans un environnement ouvert et collaborateur pour accroître la sécurité et l’efficacité. Avec cet objectif en tête, l’équipe continue à élargir le réseau d’équipements routiers (ou RSU) et le parc de véhicules munis d’équipements embarqués (ou OBU).
Toutefois, Il faut noter que cet élément est devenu relativement incertain ces derniers mois. En 2016, le gouvernement fédéral des États-Unis avait annoncé son intention de mettre en œuvre un projet de réglementation qui exigerait que tous les nouveaux véhicules soient munis d’un OBU. Le gouvernement actuel a suspendu ce projet. Ainsi, il est difficile d’estimer à quel moment davantage de véhicules personnels seront munis de cette technologie.
Un autre aspect important du projet est d’assurer sa visibilité dans le milieu. Une démonstration technique a donc été créée pour le congrès ITS World qui aura lieu à Montréal en octobre prochain. Dans le cadre de cette démonstration, des RSU multifonctionnels seront installés à Montréal, comme ceux qui se trouvent à Edmonton, et seront capables de fonctionner avec le protocole DSRC et la norme de communication LTE.
AU-DELÀ DU BANC D'ESSAI
Le réseau de banc d’essai ACTIVE-AURORA offre une occasion unique de tester la technologie avant qu’elle ne soit déployée. Bien qu’il existe plusieurs bancs d’essai, celui d’ACTIVE-AURORA a été l’un des premiers à tester la technologie des VC. Il s’agit aussi d’une installation collaborative; d’autres entreprises intéressées sont encouragées à y tester leurs véhicules et leurs équipements. De cette façon, ACTIVE-AURORA contribue à un avancement plus rapide de ces technologies pour que, bientôt, la congestion routière et les accidents de la route appartiennent au passé.
Au-delà de l’environnement urbain, cette technologie a des applications et des implications bien plus larges. En effet, la technologie des VC peut améliorer les échanges commerciaux et internationaux du Canada, en aidant à mieux comprendre les systèmes de transport intermodaux. De plus, les données générées par ACTIVE-AURORA peuvent améliorer la capacité, la sécurité, l’efficacité et le rendement environnemental des réseaux de transport provinciaux et nationaux. ACTIVE-AURORA vise à offrir aux autorités routières une meilleure compréhension des politiques et des infrastructures requises pour soutenir le déploiement de la technologie des VC à l’échelle du Canada.
ACCROÎTRE L'INTÉRÊT
Au cours de la dernière année, l’industrie automobile a manifesté un très grand intérêt pour le projet ACTIVE-AURORA. De nombreuses délégations ont visité le banc d’essai pour voir comment il fonctionnait et comment il améliorerait les réseaux de transport. L’intérêt pour ACTIVE-AURORA est mondial et ne cesse d’augmenter. La Ville d’Edmonton et l’Université de l’Alberta occupent une place importante dans l’avenir des transports.
Transformer activement les transports
La question posée à bien des intervenants est la suivante : qui sera responsable de faire progresser cette technologie ? Le secteur public ou le secteur privé ? Peu importe l’approche, tous deux en retireront des avantages. Le modèle ACTIVE-AURORA s’est révélé comme étant une réussite. Des partenaires gouvernementaux, universitaires et industriels travaillent ensemble pour transformer les transports, pour le grand bénéfice de tous – voilà l’objectif même du projet. En transformant les transports, nous offrons une solution équitable, nous améliorons la sécurité, nous réduisons la congestion et la pollution et nous rehaussons la qualité de vie des citoyens. Tout commence avec une base solide : quelques dispositifs de communication et un groupe de personnes qui partagent une vision d’avenir.
Si le projet ACTIVE-AURORA nous a appris une chose, c’est que les gens ont hâte d’améliorer les transports. Alors, que ce soit le secteur public qui encourage cette initiative ou le secteur privé qui développe la technologie et l’expertise et qui, par la suite, en partenariat avec les Villes, mette le tout en œuvre, le résultat sera le même : un réseau de transport plus sécuritaire et plus efficace.